École et enfant intellectuellement précoce (EIP)

Beaucoup imaginent que l’école est naturellement un lieu d’épanouissement pour « l’enfant précoce ». Comment pourrait-il en être autrement puisque cet enfant dispose de compétences cognitives qui lui ont permis d’apprendre à lire plus facilement que les enfants de son âge ou de connaître par cœur, par exemple, les drapeaux des différents États du monde ? En réalité, il n’en est rien, bien au contraire, les enfants intellectuellement précoces éprouvent très souvent un mal être à l’école ou pourraient certainement s’y épanouir davantage…

Qu’est-ce qu’un enfant intellectuellement précoce?

L’enfant qu’on décrit comme intellectuellement précoce (EIP), à haut potentiel (HP) ou plus rarement aujourd’hui surdoué, est un enfant dont le développement intellectuel est en avance par rapport à celui des enfants de son âge (et qui le restera). Cependant, ses développements affectifs, relationnels et psychomoteurs correspondent souvent aux normes de son âge. On diagnostique le haut potentiel intellectuel quand une personne obtient, dans un test de niveau intellectuel (QI), un score supérieur ou égal à 130 (si on utilise l’échelle Wechsler). En France, ce sont 200 000 enfants qui sont concernés soit un enfant haut potentiel par classe en moyenne. Cependant, deux enfants avec exactement le même QI pourront avoir des profils très différents en fonction de leur mémoire de travail, du niveau de leur compréhension verbale, leur raisonnement perceptif ou de leur vitesse de traitement… 

L’école et l’enfant intellectuellement précoce

Si le QI seul est loin d’être suffisant pour décrire le profil d’un enfant, Jeanne Siaud-Facchin indique que deux tiers des enfants précoces ne sont pas heureux à l’école ou sont en situation d’échec, que ce soit au primaire, au collège ou au lycée. Cette situation est d’ailleurs bien identifiée par l’Éducation nationale puisque les textes officiels prévoient l’application de mesures pour aider à la « scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers » et de nombreux professeurs travaillent à améliorer le quotidien de ces enfants, dont un sur trois est malgré tout en échec scolaire. 
Par ailleurs, de nombreux enfants précoces s’en sortent bien à l’école car ils en comprennent les codes et se glissent dans le cadre commun (tout en cherchant à se « nourrir » intellectuellement en dehors)  mais cela ne veut pas dire que cette situation reste satisfaisante pour autant...

Ainsi, pour de nombreux acteurs concernés (associations, familles, psychologues…), les choses ne vont pas assez vite sur le terrain et la prise en charge des élèves pouvant être en situation de souffrance au quotidien est jugée encore insuffisante.

Mon expérience au collège avec des enfants hauts potentiels 

En tant que maman d’enfants intellectuellement précoces et enseignante, je mesure la complexité de la prise en charge de ces élèves qui demandent une attention particulière. Dans ma salle de classe, j’ai eu à gérer de nombreux adolescents tantôt discrets et effacés, tantôt très expressifs voire totalement braqués et en révolte. Souvent leur comportement déconcertait la famille, leurs camarades, comme l’équipe éducative de leur établissement. Parfois, leur mal être se matérialisait par une phobie scolaire… En tant que professeure, je me suis toujours efforcée de mettre en place des parcours différenciés pour ces élèves ou d’informer les familles sur mes interrogations quant au possible profil haut potentiel de leurs enfants pour les inviter à faire établir un diagnostic. À Paris, j’ai notamment travaillé avec Séverine Némesin, psychologue spécialisée dans la prise en charge des enfants à haut potentiel.

Tous différents, malgré des points communs évidents, ces élèves ont pu m’amener à de profonds et enrichissants questionnements sur mes pratiques. Tout comme des moments magiques dans la relation éducative. Comprenant bien le désarroi ou l’impuissance dans lequel les familles de mes élèves hauts potentiels peuvent être parfois plongées, pour une situation que je partage moi-même en tant que parent, je vis mal l’inadéquation entre ce qui leur est le plus souvent proposé à l’école et ce dont ces enfants auraient besoin. 

Un nouveau modèle éducatif bienveillant adapté au haut potentiel

Pour l’établissement Émilie du Châtelet, j’ai naturellement porté une attention particulière à l’accueil de l’enfant intellectuellement précoce à l’école primaire, au collège et au lycée. La méthode pédagogique iféa basée sur la différentiation, l’écoute et la bienveillance, l’organisation repensée des temps scolaires, des personnels formés et des outils adaptés sont autant d’atouts pour aider à l’épanouissement de ces élèves et (re)donner du sens à leurs apprentissages.

Comment faire s’épanouir à l’école un enfant intellectuellement précoce?

Selon moi, le modèle éducatif de l’établissement scolaire doit d’abord mettre en avant la bienveillance pour permettre à l’enfant d’être rassuré et d’accepter des attentes exigeantes. C’est évidemment vrai pour tous les élèves, mais cela l’est encore davantage quand l’enfant est hypersensible et possède des capacités cognitives lui permettant d’acquérir relativement facilement le socle commun de compétences et de savoirs. Pour de nombreux enfants à haut potentiel, le plus important est de retrouver le goût de l’effort, la confiance en soi et en l’institution scolaire, d’apprivoiser l’anxiété et d’apprendre à vivre avec les autres. Je pense ensuite qu’une des clefs pour que l’enfant intellectuellement précoce s’épanouisse à l’école est la différenciation dans son parcours d’apprentissage. Que ce soit à l’élémentaire, au collège ou au lycée, l’élève doit pouvoir progresser à son rythme, c’est à dire prendre son temps pour effectuer une tâche pour l’élève très perfectionniste tout comme à l’inverse pouvoir accélérer ou approfondir.
Chez iféa, les activités en classe tout comme les devoirs sont individualisés et des points réguliers avec un référent adulte sont organisés pour encourager les progrès et cibler les points qui posent problème (dans les relations avec les autres comme dans les apprentissages). Deux après-midis par semaine des temps de projets interdisciplinaires demandent aux élèves d’étudier un sujet dans sa globalité, ce qui permet au  système de pensée en arborescence des hauts potentiels de s’exprimer pleinement. 

Enfin, il me semble important que les élèves intellectuellement précoces puissent suivre une scolarité au sein d’un établissement accueillant tous les élèves et non dans des écoles ou des classes spécialisées « pour EIP ». Je ne remets bien sûr pas en cause ce choix que des parents démunis peuvent être amenés à faire ni le travail qui y est accompli. Il est compliqué aujourd’hui de trouver des solutions qui satisfassent totalement les parents et les enfants. Mais la mission de l’école est à mon sens de les accompagner dans l’acceptation de soi et de leur différence tout comme leur donner les clés de compréhension d’un monde dans lequel ils vont devoir vivre avec les autres.  

Que faire pour les élèves précoces qui souffrent de phobie scolaire?

Cette question de la phobie scolaire, je l’ai vécue au sein de ma famille. Et voir son adolescent en détresse, se renfermer sur lui-même et ne plus vouloir fréquenter l’école est une chose très difficile à vivre. Cela a aiguillonné mon désir d’essayer de faire quelque chose pour les élèves concernés. Dans mon parcours d’enseignante, j’ai aussi eu l’occasion de travailler avec des élèves qui s’éloignaient de l’école, à des degrés divers. Souvent en prise en charge individuelle. Le travail de fond mené par les familles, les psychologues et certains de mes collègues pour les aider à s’en sortir ont grandement marqué ma façon d’aborder les problématiques de ces enfants en souffrance. Je souhaite donc proposer  un parcours spécifique pour les élèves à haut potentiel qui ont « décroché » dans le cursus classique. Au sein d’iféa, ce parcours est élaboré au cas par cas avec l’enfant ou l’adolescent, les parents, l’équipe éducative et les partenaires extérieurs. Si vous êtes concernés, n’hésitez pas à me contacter. Et dans tous les cas, je vous invite à vous faire accompagner par un professionnel pouvant apporter à votre enfant un soutien psychologique.

Naïma Page
Responsable pédagogique iféa